Dimanche, j'irai à la pêche... Ou pas !

Il y a quelque temps, un billet de Mademoiselle S. m'a fait tout drôle (oui, parce que bon, je n'écris plus depuis des mois, mais je lis quand même, faut pas déconner).

Selon un informateur bien informé ayant ses entrées au Ministère de la Vérité, Mademoiselle est bôôôcoup plus jeune que moi. Pourtant, nous partageons à peu près les mêmes souvenirs, les mêmes débuts de sensibilisation à la politique. (L'Heure de Vérité m'a particulièrement marquée. D'une part parce qu'à l'époque, je ne comprenais pas grand chose à ce qui s'y baragouinait ; d'autre part, parce qu'il se trouve que le présentateur de l'émission a été maire de la petite ville de banlieue où j'ai grandi, avant de mourir d'une "longue maladie".)

Pour revenir au billet de Mademoiselle, l'effet bœuf qu'il a produit tient moins aux mots qu'elle emprunte à l'un de nos plus grands poètes pas encore morts, qu'à la description du monde dans lequel nous avons grandi et s'est éveillée notre conscience politique. Monde qu'on imaginait perfectible, mais pas moribond. Du coup, après lecture, l'idée m'a effleurée que peut-être, on était quelques uns à éprouver la sensation physique que tout s'écroule sous nos pieds sans qu'on puisse y faire grand chose (mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire du tout, hein !).

Parce que c'est l'une des grandes forces de cet Ordre Nouveau (qui ressemble étrangement à un grand bond en arrière, mais bon, passons) : qu'est-ce qu'on se sent seul et isolé quand on ne partage pas l'enthousiasme ravageur d'un Lefebvre, le panache d'une Morano, le volontarisme d'un Besson, la candeur d'un Bussereau, ou la foi d'un Guaino... D'ailleurs, il suffit de jeter un œil au Courrier International, de temps en temps : vu de l'extérieur, on est tous (plus ou moins) sarkozystes (de la même manière que pour nous, Français, tous les Italiens étaient plus ou moins berlusconiens, il n'y a pas si longtemps...). L'opposition est inexistante, ou inaudible, ou les deux. On veut résister ; on fait des grèves, des rassemblements, des salons, des manifs, on lance des pétitions, tout ça. Et en fin de comptes, il se passe quoi ? Pas grand chose. Voire que dalle. On parvient tout juste à intéresser suffisamment les médias pour qu'ils nous fassent passer pour des espèces de dinosaures, des nostalgiques de l'Ancien Monde, des réfractaires au Changement, voire carrément pour des terroristes.

Mais je m'égare...

En fait, ce qui m'a vraiment fait tout drôle, c'est qu'après avoir lu ce billet, j'ai réalisé que pour la première fois de ma vie, je n'avais absolument au-cu-ne envie d'aller voter. Pas le moindre petit frétillement à l'idée de tendre ma carte d'électeur à un type qui se retient (mal) de bailler, pas la moindre excitation à l'idée d'entendre « a voté ! », rien ! Faut croire que l'adoption du "mini" Traité Européen par voie parlementaire m'est resté méchamment coincée en travers de la gorge...

Et comme pour enfoncer le clou, peu de temps après, je suis tombée là-dessus :

[Cliquez pour agrandir... Enfin, c'est vous qui voyez.]

J'en conclus - un peu hâtivement peut-être, mais rien n'est moins sûr - que l'Europe se passera très bien de ma voix*. D'ailleurs, je serais prête à parier qu'on ne veut pas la même chose, Elle et moi.

* Ça ressemble à une décision définitive, mais ça n'en est pas une. Si ça s'trouve, j'irai voter blanc...

Comments

[Flo Py]

@ Pedro et Mademoiselle : pas de télé, donc pas de jubilation. Au lieu d'une soirée spéciale élections, j'ai regardé In The Cut pour la énième fois (et me suis répété pour la énième fois que ce film est fascinant) :-)

@ Lucide : y a que de l'eau douce polluée par ici. Du coup, j'ai même renoncé à pêcher :-)

@ Jihelpé : on dirait pas comme ça, mais moi aussi j'ai toujours été "contre" l'abstention et profondément agacée par le slogan "élections, piège à cons". D'ailleurs, il ne s'agit pas de faire de l'abstention un principe ou une habitude. Du moins, je l'espère...

@ Dorémi : oulala ! je n'ai pas la prétention de faire avancer quoi que ce soit, tu sais bien ! Surtout pas un schmilblick :-)

@ JBB : merci, camarade. Quant à l'abstention (voir plus haut), ne te réjouis pas trop vite : ce n'est pas parce que je n'ai pas voté cette fois-ci que je ne voterai plus jamais :-)

@ Monsieur Poireau : comment ça va en Belgique ? Ça me fait plaisir de pouvoir t'envoyer un gros bisou ! (Ainsi qu'à ta Mademoiselle, naturellement)

@ Iyhel : bien sûr qu'on peut voter sans y voir une fin en soi. Mais en bonne citoyenne, j'ai dépouillé suffisamment (ou observé) pour savoir que le vote blanc ou nul est beaucoup moins "visible" que l'abstention. Et sur ce coup-là, je me sens réellement écœurée. (Ce qui ne m'empêche pas de me réjouir du score du Front de Gauche, et de suivre son évolution avec une certaine attention :-))

Bises à tous !

[pedro]

Mademoiselle S, je vois que nous avons des plaisirs partagés. J'ai éclaté de rire en voyant josé bové, je l'ai imaginé devant sa glace mettant et enlevant tour a tour une cravate pour au final ne pas encore oser le faire, patience, il se rattrapera... quand à la gueule du PS, un régal inoubliable, tous ces notables inquiets de leur avenir ça fait plaisir à voir quand même. Je m'imaginais Jospin expliquant tout en détail de ce qu'il aurait fallu faire pour... faire moitié moins. Je jouissais de la satisfaction aveugle de cette UMP qui venait de prendre en réalité une terrible déculotté, vivement le prochain vote qu'on se marre, ils vont tomber de haut !

[Mademoiselle S.]

visiblement, mon abstentionnisme a une influence néfaste sur mon orthographe et ma conjugaison. La bêtise crasse de la masse me rattrape. Déjà que j'étais une raciste votant non. Navrée.

[Mademoiselle S.]

Pedro, dis comme ça, ça change des jets de bave (d'autosatisfaction ou de fausse flagellation) entendus hier.

Je me remets doucement d'avoir vu Bové en veste de costard faire preuve de réalisme en bredouillant des conneries sur l'Europe qui sauve, et le tri qu'il est bien de le faire.

Pas de bol en plus, j'ai loupé Méluche qui s'énerve, j'ai juste réussi à voir Besancenot faire de la figuration (pas le droit de causer) et les journalistes poser des questions angoissées à un Modem larmoyant, cerné d'UMPistes hilares.

Quant au PS, ce fut ma vraie joie. Vlan dans la gueule. Et Valls de dire qu'il faudra que le PS se penche sur de vraies questions, sécurité et immigration. T'as raison mon gars, t'as raison.

[pedro]

Tout va très bien, Madame la Marquise, tout va très bien... juste un petit rien :

Nicolas Sakozy a perdu hier 60 % de ses voix du premier tour et 75 % des voix du second

(11,5 millions et 19 millions contre 4,8 millions hier)

Ségolène vs Martine: 9,5 millions contre 2,8 millions (vive l'efficacité jospiniste )

le camp du oui à perdu 40% de ses voix au niveau européen (vive le mini-traité)

l'abstention atteint un chiffre record de 60 % (vive la gauche européenne qui s'écroule en voulant faire la politique de droite)