Des visages des figures
C'est si beau Paris, quand le printemps revient, après un hiver qui me semble avoir duré des lustres.
Marcher de la Tour Saint Jacques au Petit Palais, en évitant la rue de Rivoli. Mais rencontrer quand même des troupeaux de touristes autour des bassins du jardin des Tuileries, et les trouver beaux aussi, juste parce que le temps se prête bien à la philanthropie.
Se caféiner et se nicotiner à la terrasse d'un bistrot mnémonique ou providentiel sans craindre le froid, ou pire ! le gril perfide, censé réchauffer les irréductibles fumeurs, qui soit est parfaitement inefficace, soit rôti le bout des oreilles et fait craindre le pire pour le cuir chevelu quand on se relève.
Regarder les jambes des filles (noter par inadvertance que, visiblement, le talon aiguille fait son come-back). Regarder les allumettes au fond des yeux des amoureux. Le sourire d'une vieille dame qui paraît tout droit sortie d'une histoire pour enfants. De celles où la petite vieille est une fée déguisée, avec un fichu et des joues rondes et rouges comme des pommes. Regarder les hommes aussi. Ceux qui profitent du soleil pour exhiber des biscoteaux rédhibitoires (question de goût...). Essayer d'imaginer à quelle usine ils se sont abonnés, puis renoncer parce qu'on s'en fout.
A force de sillonner Paris et de regarder les gens, à force de respirer le printemps, j'ai complètement oublié d'écouter la radio, ou de lire les journaux. Et c'est par téléphone que j'ai appris aujourd'hui l'histoire de Pierre-Damien Kitenge, ce vigile du Carrouf de Charenton qui a porté plainte pour "injures racistes" contre Gautier Béranger, un collaborateur de Brice Hortefeux. C'est marrant comme le monde est petit, non ?
Tout ça pour vous dire que le monde marche très bien sur la tête avec ou sans moi, et que je suis résolue à ne pas trop m'en inquiéter, tant que ça me sera possible. En rester encore un peu aux photos-mots, et respirer le soleil autant que je peux. Voilà.