Les députés UMP en liberté surveillée, par Patrick Roger
Source : Le Monde.fr
(Comme très souvent, j'ai découvert cet article sur le blog Torapamavoa)
La "liberté de parole" à laquelle Nicolas Sarkozy a convié les parlementaires de la majorité au début de son quinquennat apparaît à l'usage sérieusement encadrée. Lors des journées parlementaires de l'UMP, à Strasbourg, pas moins de quatre conseillers de l'Elysée sillonnaient les allées du Palais des congrès, informant le "château" en temps réel et s'efforçant de corriger l'effet calamiteux produit par les critiques à répétition délivrées "on" et "off" par les députés.
Alors que s'ouvre, mardi 2 octobre, la première session ordinaire de la législature, avec le retour des séances de questions au gouvernement des mardis et mercredis après-midi, un changement passé jusque-là inaperçu dans le fonctionnement du groupe illustre cette volonté de contrôle. Dorénavant, le mardi matin, les réunions du bureau, à 10 h 30, et celle du groupe, à 11 h 30, s'enchaînent directement, sans interruption, alors que, durant la précédente législature, une pause d'une demi-heure les séparait.
Les journalistes sont ensuite invités dans la foulée au point de presse que tient le président du groupe Jean-François Copé, sans avoir eu le temps de recueillir à la sortie de la réunion du groupe des premiers échos. Cette modification ne doit rien au hasard. Durant les années de confrontation avec Jacques Chirac puis Dominique de Villepin, M. Sarkozy, assisté de Frédéric Lefebvre, aujourd'hui député, mettait à profit ces réunions pour faire passer ses messages.
FILER À LA BUVETTE
Elu président de l'UMP, il assistait régulièrement aux réunions de bureau puis, avec sa garde rapprochée, traversait en meute la salle des Quatre-Colonnes pour filer à la buvette des parlementaires et caler son dispositif avant la réunion suivante. Pendant ce temps, quelques fidèles se répartissaient dans les couloirs de l'Assemblée pour distiller les confidences et diffuser auprès des journalistes présents la bonne parole du jour.
Ainsi M. Sarkozy et ses partisans ont-ils réussi à prendre la main en douceur sur le groupe et à organiser avec les médias une communication parallèle. Instruit par l'expérience, ayant été lui-même l'ordonnateur de cette stratégie, le chef de l'Etat ne tient pas à ce que d'autres, à présent, soient tentés de s'en inspirer.
J'attendais le bon moment (c'est très subjectif, j'en conviens) pour utiliser l'image qui suit. Ce moment est arrivé, je crois. Ayons une petite pensée émue et compatissante pour ces pauvres députés UMP muselés et tenus en laisse par le Maître, et aussi pour leurs électeurs. Vous savez, ces gens que nous croisons chaque jour, dans le métro ou à la boulangerie, et qui pensent que les "gauchistes" (ces arriérés !) exagèrent, que non non non, on ne vit pas du tout une période fascisante.
Bonne nuit !