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Place Assise Non Numérotée
30 août 2008

A La Mystérieuse

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute.
Ô balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps sans doute que je m'éveille.Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l'amour et toi, la seule qui compte aujourd'hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venus.
J'ai tant
rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu'il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu'à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allègrement sur le cadran solaire de ta vie.

Robert Desnos, Corps et biens (1930)

 



Et pour ceux qui seraient dans la banlieue Ouest, signalons au passage qu'Ahmad Jamal sera au théâtre Simone Signoret (à Conflans Saint Honorine), le 6 mars 2009.

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Commentaires
M
Le commentaire con du jour : C'est beau !<br /> :-))<br /> <br /> [Bon en même temps, c'est un peu trop de vouloir se nier dans l'amour, non ?]
G
J'ai parfois l'impression, lorsque je me la joue critique littéraire, que Desnos a été le seul vrai et grand poète du groupe surréaliste.<br /> En relisant ce poème-ci, j'ai la certitude qu'il a été le seul poète de l'amour... (tant pis pour les autres!)<br /> <br /> Et puis ce poème est celui qu'il a tenté de retrouver, dans les camps, peut-être au moment où il écrivait à Youki: "Notre souffrance serait intolérable si nous ne pouvions la considérer comme une maladie passagère et sentimentale. Nos retrouvailles embelliront notre vie pour au moins trente ans." (lettre du 15 juillet 1944)
Place Assise Non Numérotée
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